
Parlez-nous de l’observatoire de la laïcité du Val-d’Oise.
L’observatoire de la Laïcité du Val-d’Oise est une association de loi de 1901, que j’ai fondée en 2010, suite au constat inquiétant que la Laïcité est méconnue, mais aussi qu’elle était de moins en moins respectée, notamment par les élus, du fait de cette méconnaissance.
Quel rôle a-t-il dans la vie politique et sociale de la région ?
Nous essayons de jouer un rôle actif de conseil auprès des élus qui nous consultent lorsqu’ils se trouvent face à une requête ou à une décision à prendre. Il peut s’agir du remplacement de la porte d’un cimetière (et quels symboles on y appose), de la réponse à une demande de repas sans viande dans les cantines scolaires. Nous siégeons dans les organismes consultatifs locaux qui le demandent.
Nous intégrons dans nos actions aussi des propositions concrètes pour faire aimer la Laïcité. Ainsi, nous avions proposé au conseil général, en 2010, la création d’un fascicule destiné aux élèves de 3è, auquel nous avons activement collaboré, assorti d’une série de conférences pour expliquer ce principe. Malheureusement, le projet n’a pas pu aboutir, la nouvelle majorité élue en 2011, n’ayant pas poursuivi la collaboration engagée.
Nous intégrons dans nos actions aussi des propositions concrètes pour faire aimer la Laïcité. Ainsi, nous avions proposé au conseil général, en 2010, la création d’un fascicule destiné aux élèves de 3è, auquel nous avons activement collaboré, assorti d’une série de conférences pour expliquer ce principe. Malheureusement, le projet n’a pas pu aboutir, la nouvelle majorité élue en 2011, n’ayant pas poursuivi la collaboration engagée.
Par ailleurs, nous nous invitons lors des élections locales, en proposant la signature d’une charte de la Laïcité pour les candidats, leur demandant de s’engager sur l’usage des infrastructures publiques ou le respect strict de la loi de 1905, dans l’intérêt général.
Il peut nous arriver aussi, comme à Argenteuil, de poursuivre les élus déviants et de les faire condamner lorsqu’ils se refusent à entendre raison face à nos mises en garde.
Enfin, j’ai parrainé, à titre personnel, d’autres observatoires départementaux : En Haute-Garonne, dans l’Essonne, en Vendée, dans les Hauts-de-Seine. La Laïcité est un principe totalement actuel et moderne. Dans un pays où cohabitent des personnes issues des quatre coins du Monde, ce qui fait sens c’est justement ce qui nous rassemble : le bien commun ! Et ce qui nous rassemble, ce sont les valeurs de la République : Liberté, Égalité, Fraternité. Mais pour que ces valeurs soient réelles dans les faits, seule la Laïcité le permet. Comment être tous égaux en droits si certains revendiquent des passe-droits établis sur leurs particularismes ? Comment être libre si mon expression ou ma pensée sont limités par des croyances que je ne partage pas ? Comment ressentir la fraternité si l’on ne se définie pas d’abord comme Français, mais comme Juif, Athée ou Musulman. C’est déjà créer des barrières !
Dire à la jeunesse que grâce à la Laïcité il auront le droit de penser et dire ce qu’ils veulent, sans jamais être contraints par leur famille, leur quartier ou leur instituteur, c’est certainement la meilleur façon pour leur faire comprendre que c’est leur bien le plus précieux, contrairement à ce que certains, qui veulent la fin des libertés, peuvent prétendre.
Les discours intégristes ne sont-ils pas en mesure de gagner du terrain ?
Les intégristes ont commencé un long travail de sape de nos valeurs républicaines, depuis plus de 30 ans dans notre département. Les premiers rapports qui en font état, à Argenteuil notamment, datent de 1993 !
À cette époque, les politiques ont joué un jeu très dangereux qui consistait à « acheter la paie sociale » en distribuant des privilèges à certains prêcheurs, de communautés qui les intéressaient, pour renouveler leurs mandats. Beaucoup en ont fait leur seule et unique méthode de campagne et ne sont plus capables de revenir en arrière. C’est ancré dans les pratiques, dans quelques villes, c’est très inquiétant. Comme dans les pays qui ont été mis sous contrôle des frères musulmans suite au printemps arabe, l’organisation sociale sert à la mise sous tutelle de populations entières : la solidarité leur vient de ces prêcheurs qui développent un discours sectaire dangereux.
Vous aviez organisé, le 7 juin, une cérémonie pour baptiser une place à Saint-Ouen l’Aumône au nom d’une figure de lutte contre l’obscurantisme religieux. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est la seconde édition cette année de l’inauguration symbolique d’une place chevalier de la Barre.
Cette année, nous avons décidé de rebaptiser une place de St-Ouen l’Aumône, face au pont de Pontoise, parce que les pratiques de cette ville me préoccupent.
Je voulais par ce symbole rappeler que nous sommes vigilants partout dans le département, mais aussi rendre hommage, 5 mois après les meurtres du mois de janvier, aux victimes du fondamentalisme.
Le Chevalier de la Barre était un jeune homme de 19 ans quand il est mort, après avoir été torturé, décapité puis passé au buché pour avoir refusé de se découvrir au passage d’une procession. Comble, lors d’une perquisition à son domicile, il avait été découvert un exemplaire interdit du Dictionnaire Philosophique de Voltaire !
C’était en 1766 … Une belle illustration de ce que peuvent provoquer les ravages d’une église qui guide le bras de la justice ou de l’État …
Ce jour-là, le 7 juin, nous comptabilisions 21 Français morts pour des causes religieuses dans le Monde.
Nos jeunes font face aujourd’hui à de grands défis en raison d’une exposition à une nouvelle forme d’intégrisme, très différente des vagues précédentes. Quelles sont pour vous les dimensions de cette « menace » intégriste pour la jeunesse et les éventuelles solutions à y apporter ?
Cette nouvelle forme est inquiétante, car elle prend des voies d’accès modernes et difficiles à contrôler. Nos jeunes sont aussi en recherche de repères, qui beaucoup fluctuent entre leurs origines, qu’ils fantasment et leur vie réelle qu’ils se contentent de subir, sans vraiment se rendre acteurs de leur citoyenneté.
Les médiats depuis 15 ans et les Télé-réalités créent de façon artificielle des « stars » et une popularité qui ne repose sur aucun acte précis ou glorieux.
Alors, pour exister, pour développer cette popularité locale, les jeunes entrent dans des moules qui leur sont proposés et leur permettent d’être visibles. L’intégrisme fait partie des solutions possibles pour se rendre populaire auprès d’un groupe, en répondant à un besoin primaire bien connu de la pyramide de Maslow : le besoin d’appartenir à un groupe et de reconnaissance. Les médiats font le restent : ils créent des mythes urbains en couvrant en boucle les prises d’otages et les attentats !
Ces prêcheurs, qui souvent se sont inventés des connaissances théologiques, s’appuient sur les textes (choisis, triés, voire tronqués) pour enrôler et soumettre nos jeunes par les voies de communication modernes.
Les moyens matériels de ces groupuscules sont inquiétants, souvent dus aux trafics opérés sur le terrain, Daesh revend de grandes quantité d’œuvres d’art, pillées dans les pays occupés, ce qui les rend immensément riches, et donc dangereux.
Les solutions à apporter seraient, d’abord, de donner de vrais repères : remettre le système scolaire au centre de nos préoccupations, y promouvoir et enseigner les principes et valeurs républicains pour que ce qui est transmis ailleurs puisse être remis en perspective, à la lumière d’un raisonnement indépendant et objectif. Mais pour cela, il faut que nos enseignants soient armés et capables de répondre à ces questionnements et se sentent soutenus pas leur hiérarchie.
Quel est votre prochain programme ?
L’observatoire a la prétention de progresser dans son action et de proposer un programme d’audit, de formation et de suivi des politiques locales de prévention du radicalisme sur le terrain. Ce sera notre prochain chantier pour la rentrée : chercher les financements, l’intérêt de la démarche étant déjà acté par les élus que nous avons déjà contactés.
Nous nous inviterons peut-être aussi sur les prochaines élections, afin de rappeler l’importance de la Laïcité dans les décisions prises au sein du conseil régional.
Avez-vous d’autres points à ajouter dans ce contexte sur le thème « religion et laïcité ? »
L’intitulé « Religion et Laïcité » m’interpelle assez. En effet, la religion est l’une des croyances que la Laïcité défend, comme la liberté de ne pas croire ou de croire au père Noël ou à la déesse Isis !
La laïcité, en tant que principe philosophique et comme mode d’organisation politique est un bien précieux, le seul qui se veut émancipateur, ce qui est primordial pour nous, femmes, premières victimes des religieux : « Tu enfanteras dans la douleur » marquait le début de siècles de soumission et de souffrance des femmes, qui ont payé cher leur pouvoir immense de donner la vie. Se battre pour le maintien de ce principe, c’est revendiquer nos droits à décider de ce que nous voulons être, c’est défendre notre droit à la contraception, à l’avortement. C’est aussi ouvrir l’accès à la recherche sur cellule souche, qui prochainement permettra des progrès énormes pour soigner des maladies dégénératives, aujourd’hui sans traitement. C’est décider de l’égalité homme-femme.